mardi 13 octobre 2020

Jeanne

Quelques nouveaux textes à vous soumettre: Jeanne, écrit au début du confinement suite à l'interview de Jeanne dans sa maison de retraite , son désespoir et ses larmes 

Et toi comment vas-tu ? : réflexions sur nos solitudes, sur la vie, sur les jours, sur nos distances 




Jeanne

Jeanne

Elle va mourir, dans son Ehpad elle va mourir

« Je n'ai plus ma crème de jour

et mes rides je les supporte plus

Je ne sors plus chez mon esthéticienne » !


Oui, mais Jeanne elle va mourir !

« J'ai les racines qui se voient

et puis les mèches et...et mes rouleaux

Je ne vais plus chez ma coiffeuse » !


Oui, oui mais Jeanne elle va mourir !

« Tranquille, J'ai cinq mille mètres carrés

C'est la campagne, je suis bien

Mais tondre la pelouse, tu sais, c'est fatigant » !


Oui, bien sûr mais Jeanne elle va mourir !

« Bon un peu marre de la télé

Toutes ces séries, et ces redifs

Avec ma bière sur canapé « !


Oui, oui mais Jeanne elle va mourir !

« C'est pénible, il fait trop beau

C'est un printemps pour le vélo

pour sortir, boire et chanter, pour rigoler » !


Oui, je sais, mais…mais Jeanne elle va mourir !

Oui Jeanne, elle va mourir

Trop vieille pour être utile

Trop vieille pour qu'on la trouve belle

Trop vieille pour qu'on l'aime encore

Trop vieille, trop ridée pour qu'on ait envie de l'embrasser


Oui Jeanne elle va mourir

dans son Ehpad

Toute seule !

Jeanne elle va mourir


©hga2020/04/23



Et toi comment vas-tu ?


C'est un beau mois d'automne,

Je vois faner les fleurs,

Les arbres s'enrougissent et prennent des couleurs,

La Jeanne en son Ehpad vient de fermer les yeux

Sans avoir vu Marie, ses dominos, ses jeux,

C'est un beau mois d'automne.


C'est un beau jour d'automne,

J'entends le vol des oiseaux

Qui se gonflent les plumes à deux pas des points d'eau,

Ils cherchent quelques miettes en luttes fratricides

Et ne pas mourir de faim comme un apatride,

C'est un beau jour d'automne


C'est un beau matin d'automne.

Des lueurs de brumes

Sortent des champs humides et les feux de bois fument.

Sous le chaume des chaumières, les hommes vont se chauffer

Ils pensent à ceux qu'ils aiment, face à la cheminée,

C'est un beau matin d'automne.


C'est un beau soir d'automne,

J'entends les cors de chasse

À l'orée des forêts où biches et chevreuils passent.

Le grand cerf est cerné aux aboiements des chiens.

Dernier regard à sa biche, soir d'été indien.

C'est un beau soir d'automne.


Et toi comment vas-tu ?


©hga2020/10/13